par Jean-Pierre Schaeken Willemaers
Institut Thomas More, Président, Pôle Energie, Climat, Environnement
L’avenir de l’éolien terrestre des pays européens s’inscrit dans le cadre de la politique climatique de l’UE.
La concrétisation d’une politique énergétique européenne commune a du mal à voir le jour en raison, notamment, de la diversité des approches et des intérêts des Etats-membres.
Ceci n’a pas empêché la Commission européenne de présenter, en 2011, sa feuille de route pour l’énergie (Roadmap 2050), affichant ainsi sa volonté de « décarboner » de l’économie.
A l’origine, cet objectif était soumis à la condition que d’autres régions du monde prennent également l’initiative d’un tel effort. Depuis lors, l’UE se dit prête, le cas échéant, à s’engager seule dans cette aventure. En fait, elle s’est focalisée sur une réduction drastique des émissions des gaz à effet de serre (GES), à tout prix, sans se préoccuper de considérations économiques et sociales.
Le secteur électrique a été ciblé en premier lieu alors qu’il ne représente que 22% de la consommation totale d’énergie de l’UE.
La nouvelle Commission souhaite être encore plus ambitieuse que la précédente, portant la diminution des émissions de GES à 50/55% au lieu de 40% à l’horizon 2030 par rapport à 1990, négligeant ainsi les difficultés de certains Etats-membres, dont l’Allemagne, d’atteindre ne fût-ce que le niveau des 40% précités.
La résistance régionale à cette politique extrêmement contraignante s’est, d’ailleurs, exprimée lors d’un échange de vues, le 5 décembre, avec le Vice-Président de l’actuelle Commission, Frans Timmermans. Elle a mis ce dernier en garde contre l’adoption d’objectifs climatiques irréalisables pour 2030. C’est également la position du Président de la Commission environnement au Comité des Régions, Cor Lamers.
Frans Timmermans n’a rien voulu entendre, faisant valoir que l’urgence climatique est la priorité et que l’UE doit rester le leader de la lutte contre le changement climatique : attitude à la fois prétentieuse et naïve ! Les pays en dehors de l’UE (à part quelques rares exceptions) se soucient peu des exhortations de cette dernière, étant davantage concernés par leur développement et leur prospérité, tout en se préoccupant de plus en plus de la protection de l’environnement. Ils ont la sagesse de ne pas faire l’amalgame de celle-ci avec le changement climatique.
Pour convaincre les Etats-membres de se rallier à sa politique climatique, la Commission envisage la création d’un Fonds de transition destiné à aider les pays les plus affectés par la transition énergétique, une charge financière de plus qui vient s’ajouter aux lourdes dépenses liées à cette dernière.
A cet égard, rappelons que la Commission européenne a publié, en mars 2018, un plan d’action pour la finance durable, destiné à réorienter massivement les flux de capitaux dans les décennies à venir vers le financement d’investissements durables et la transition vers une économie bas carbone. Ce plan requiert l’élaboration d’un système de classification (taxonomie) des activités économiques jugées écologiquement durables.
Cette surenchère effrénée d’objectifs climatiques toujours plus ambitieux et plus coûteux a conduit à une pénétration précipitée de sources de production d’énergie électrique renouvelable intermittente dominée par l’éolien terrestre.
Que penser de ce changement de paradigme ?
Le développement de l’éolien terrestre en Allemagne, après plus d’une décennie de politique bas carbone, est éclairante à cet égard.
Après une explosion du nombre d’éoliennes installées, la tendance est en train de s’inverser.
Ce pays précurseur en Europe de la promotion de l’éolien terrestre (avec le Danemark) pour une production d’électricité bas carbone, fait actuellement face à une crise très sérieuse, comme le constate le journal économique allemand, Handelsblatt : « Il y eut d’abord l’espoir suscité par l’Energie Wende et maintenant le marché allemand risque de s’effondrer »[1].
La capacité de nouvelles éoliennes passerait d’une puissance installée totale annuelle de 5330 MW en 2017 à 1100 MW en 2019.[2] Avec seulement 507 MW installés entre janvier et septembre 2019, le développement du secteur éolien est au plus bas depuis 20 ans. L’agence pour l’énergie éolienne table sur la mise en service de 1000 MW maximum en fin d’année 2019, très loin des 2800 MW alloués par le gouvernement allemand.
La fédération de l’énergie éolienne allemande (der Bundesverband Windenergie) annonce une perte de milliers d’emplois qui s’ajoute aux 10 000 emplois déjà perdus dans le secteur les années précédentes.[3]
L’entreprise Senvion SE, cotée en Bourse et forte de 4400 salariés, a déposé le bilan fin août 2017. Enercon, un géant de la construction d’éoliennes qui fait partie du top 5 des fabricants d’éoliennes dans le monde avec un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros, déplore une perte de milliers d’emplois. Nordex cherche de nouveaux débouchés à l’étranger après avoir dû licencier des centaines de salariés.
Les causes de cette crise sont multiples. On peut citer, entre autres, la modification de la loi sur les énergies renouvelables (EEG) afin de favoriser la concurrence dans un secteur jusque-là largement subventionné. L’introduction d’appels d’offres, la fin des revenus garantis et les lenteurs administratives ont entraîné une baisse du nombre d’investisseurs. Parallèlement, la croissance du nombre de procès intentés per les riverains a explosé, ralentissant les procédures voire aboutissant à une suppression des permis d’installation. Ce n’est pas étonnant vu les nuisances induites par les éoliennes et notamment les pollutions sonores et visuelles et la dévaluation des propriétés voisines. Cette opposition ne fait que gonfler avec l’installation d’un nombre plus élevé de turbines. La pression populaire serait encore plus forte si la puissance unitaire des éoliennes était augmentée pour accroître leur rentabilité. De telles éoliennes seraient encore plus hautes et plus massives et donc augmenteraient leurs nuisances visuelles et sonores.
Rétablir les subventions pour relancer l’éolien terrestre allemand n’est pas la solution.
Cette technologie n’a pas fait ses preuves, au contraire. Car non seulement elle n’a pas contribué au développement d’une industrie durable en Allemagne, mais les émissions de GES ont continué d’augmenter.
Au vu des résultats de la désastreuse Energie Wende allemande, comment la France peut-elle justifier son programme de développement des éoliennes terrestres ? La Nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’électricité centrée sur l’éolien terrestre [4] est-elle fondée alors que la production électrique française est essentiellement nucléaire et hydraulique, c.à.d. non émettrice de GES, et que la Cour des Comptes, dans un rapport de mars 2018, avait dénoncé le coût exorbitant et l’inefficacité des énergies renouvelables intermittentes ?
Si la politique actuelle est maintenue, le montant du soutien financier apporté par l’Etat aux éoliennes sur la période 2011-2018 (72,7 à 90 milliards €) sera supérieur au coût de construction initial de l’ensemble du parc nucléaire français établi en 2012 par la Cour des Comptes (environ 80 milliards, valeur 2019 [5].
L’hystérie climatique n’a pas épargné la Belgique. Malgré l’échec de l’onéreuse politique climatique allemande, aboutissant à une augmentation des gaz à effet de serre, le nouvel objectif de production éolienne du gouvernement wallon, dans le cadre de sa contribution au projet du Plan national Energie-Climat de juillet 2018, est d’augmenter la production éolienne à 4600 GWh en 2030, soit 3,5 fois plus que celle de 2018 (1331 GWh) [6].
La Fédération des Energies Renouvelables fait encore plus fort ! Elle recommande une production éolienne terrestre de 8000 GWh en 2030.
Pour atteindre de tels objectifs extravagants la Région wallonne a tenté de faciliter l’obtention des permis d’environnement et d’installations d’éoliennes et de réduire les contraintes y associées, sans obtenir, jusqu’à présent les résultats escomptés.
Les recours, par des collectifs de citoyens, contre l’implantation d’éoliennes pour non-conformité à la législation, ont, en revanche, été souvent couronnés de succès.
Il est plus que temps d’entendre raison et d’adopter une politique énergétique réaliste et efficace. L’éolien terrestre n’en fait pas partie.
nb: article paru en décembre 2019 dans Trends.LeVif
NOTES
[1] « Die deutsche Windbranche steht vor einer schweren Krise », Handelsblatt, 12 August 2018.
[2] « L’avenir du système électrique européen », J.P. Schaeken Willemaers, Editions Technip Paris, 2019.
[3] « Die internationale Windbranche schaut besorgt nach Deutschland », Handelsblatt, Katrin Witsch, 25 mai 2018.
[4] Le Président de la République, dans son discours du 27 novembre 2018 sur la stratégie et la méthode pour la transition écologique, avait déclaré que, d’ici à 2030, la production éolienne terrestre triplera.
[5] Rapport de la Commission Aubert à l’Assemblée nationale du 5 janvier 2019, sur le coût du soutien apporté par l’Etat français aux éoliennes.
[6] « Pour une croissance de qualité de l’éolien en Wallonie », IEW, Cécile de Schoutheete, 21 février 2019.
Je ne peux que confirmer cet article. Etant germanophone je peux suivre l’évolution de la « Energiewende » en langue originale est je confirme : c’est la catastrophe ! Les prix de l’électricité explosent, le réseau devient de plus en plus instable et la nature est violé par des parc industrielles de l’industrie éolienne. Je suis technicien et conscient que les éoliennes sont physiquement incapable de remplacer les centrales thermiques classiques. Néanmoins, les médias et la politique continuent à propager une « dé-carbonisation » et une « sortie du nucléaire » sur base du vent et du soleil ; une imposture scandaleuse loin de toute réalité technique et physique. Il est grand temps qu’une opposition politique se forme avant le chavirage du paquebot nommé « Europe » au nom d’une « crise climatique » qui n’est rien d’autre qu’une imposture scientifique et politique.
Cet article est un appel à la raison contre l’hystérie anti carbone des élites européennes qui veulent « laver toujours plus blanc » que le reste du monde, et ce au mépris de des populations jamais consultées à ce sujet. En fait, c’est une minorité politique qui gouverne, les groupuscules écologistes et leur parti qui utilisent l’écologie à des fins gauchisantes visant à défaire le capitalisme, soit la libre économie de marché, pour instaurer une dictature mondiale très inspirée des idées marxistes. La question n’est donc plus scientifique, mais politique : il ne s’agit plus de débattre mais de recueillir des voix en flirtant avec les mythes contemporains qui profitent tant à Ecolo : les menaces apocalyptiques de montée des eaux, canicule, déforestation, extinction des espèces, etc. Même les partis dit « du centre droit » sont tenu ce catéchisme, pour éviter de passer pour des destructeurs du climat devant l’électorat ! Le pire c’est que les écologistes ne veulent pas non plus entendre parler de l’énergie nucléaire, pourtant seule solution actuelle pour ne plus produire le fameux carbone maudit ! Et donc, si on continue à les écouter, on va dans le mur !
Rien ne vaut l’énergie nucléaire pour décarboner nos activités, en substituant l’électricité d’origine nucléaire aux autres sources d’énergie.
– Industrie : relocalisation des industries pour remplacer les importations extrêmement polluantes. Cette stratégie dépend d’une énergie peu coûteuse, donc largement sinon totalement détaxée, impliquant une révolution copernicienne au niveau de la technostructure, avec une baisse majeure de ses ressources fiscales.
– Résidentiel : électrification du chauffage et de la climatisation, combinaison d’électrique nucléaire, avec une production possiblement dispersée au niveau communal, de pompes à chaleur et de panneaux solaires individuels.
– Transports individuels : face au constat de l’impasse tant technologique que commerciale du tout électrique, les batteries étant aujourd’hui 60 fois moins performantes en rapport masse.volume/puissance que les carburants les plus courants, recherche de la miniaturisation du nucléaire à l’extrême pour une production électrique mobile. En attendant, la généralisation de l’hybridation légère, éventuellement rechargeable, sera plus facilement adoptée par le marché.
Cette stratégie globale peut être réussie à coût constant, en cessant de subventionner l’éolien en pure perte et en réaffectant les fonds ainsi économisés.