De nombreux médias l’ont annoncé, tout comme le site MétéoFrance : la barre des 45 °C aurait été franchie pour la première fois en France vendredi 28 juin 2019. On a atteint 45,9 °C à Gallargues-le-Montueux, à l’ouest du Gard, à 16 h 20. Ce serait une première en France depuis que l’on fait des mesures de températures. Température exceptionnelle? Sans remettre en cause le réchauffement global de la basse troposphère, ni l’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur constatée par le GIEC, certaines remarques doivent être faites concernant ce record de température.
Avant de sombrer dans le catastrophisme, il est important de « garder la tête froide » et de considérer les quelques points suivants :
1. Une telle température a peut-être déjà été atteinte dans le passé proche, mais n’a tout simplement pas été mesurée. N’oubliez pas qu’il n’y avait pas autant de thermomètres il y a cent ans. Par exemple, en 1865, il n’y avait en France que deux observatoires astronomiques effectuant des observations météorologiques quotidiennes (voir ici). Aujourd’hui, les stations météorologiques professionnelles du réseau de Météo-France, appelé réseau Radome, ne sont que de 554 pour le France métropolitaine. Il faudrait évidemment plus de stations pour monitorer les 643 801 km² de territoire. Aujourd’hui, cela fait une station pour 1162 km2.
2. Pendant l’été 1930, une vague de chaleur a traversé la France, comme l’atteste le petit article de journal ci-dessous (Figure 1) retrouvé dans « The Telegraph » (Brisbane). Les températures sont données en Fahrenheit et 122 Fahrenheit correspondent à 50°C. Bien que l’article ne donne pas les détails de la mesure (il faut donc rester prudent) nous voyons que de telles vagues de chaleurs se sont déjà produites dans le passé. Voyez également ce qui s’est passé en 1900, 1911, 1921 et 1934 ici.
Figure 1. Article publié le 30 Août 1930 dans « The Telegraph » (Brisbane). Source ici.
3. La vague de chaleur provient simplement d’une situation météorologique particulière où des vents très chauds provenant du Sahara ont soufflé pendant quelques jours sur la France. Ce phénomène est très fréquent, et peut même nous apporter de petites particules de sable (c’est souvent visible sur les voitures dans le Midi).
4. Enfin, des critiques sérieuses peuvent être émises concernant l’emplacement de certaines stations météo, c’est-à-dire les fameux « abris Stevenson » (Figure 2).
Figure 2. Un abri Stevenson.
En effet, dans la région de Gallargues-le-Montueux il semblerait que certains abris soient situés juste à côté d’une autoroute et d’autres sources artificielles de chaleur (Figure 3). Rappelons ici qu’un abri Stevenson ne peut pas se situer près d’une source de chaleur.
Figure 3. Abri Stevenson dans la région de Gallargues-le-Montueux. Il est placé à côté d’un drain en béton et d’une clôture en grillage d’acier, tout cela près d’une route en bitume (asphalte). Source.
Le site web de Météo France est d’ailleurs très clair à ce sujet :
« De manière idéale, l’abri météorologique doit être installé dans un lieu représentatif de la zone géographique concernée, sans obstacle, et recouvert d’une végétation basse. En effet, la présence de sources de chaleur (bâtiments, parking, étendues d’eau), la présence d’ombres portées (dues à des arbres, par exemple) et le dénivelé du sol peuvent perturber la mesure en créant des rayonnements parasites. »
Le National Weather Service américain est également très clair :
« The thermometer should be 4.5 to 6 feet above the ground and in a grassy location. (You may need to keep a step stool nearby for short people because readings are taken at eye level to minimize parallax error.) A flat, open clearing is desirable so that the thermometer is freely ventilated by the flow of air. Stay at least 100 feet away from concrete or paved surfaces. Avoid balconies, patios, enclosed porches, and beneath eaves. » (traduction ci-dessous, dans les références).
Concernant la chaleur émise par les routes et les habitations, notons une récente publication de chercheurs chinois (Yan et al. 2018)[1] qui illustre très bien l’effet de chaleur urbain. Dans cette étude, des observations sur le terrain ont été effectuées pour étudier la performance thermique d’un grand parc à végétation urbaine et son influence sur l’environnement thermique des zones urbaines environnantes à Beijing, en Chine. Les mesures ont été effectuées le long d’un chemin choisi pendant trois jours d’été, avec un ciel dégagé et des vents légers. Les résultats ont montré que le parc était plus froid que les zones urbaines environnantes, de jour comme de nuit. Les différences moyennes de température de l’air entre le parc et les zones environnantes étaient comprises entre 0,6 et 2,8°C à différentes heures, avec un maximum de 4,8°C observé à minuit. Les résultats ont également révélé que la température de l’air ambiant augmentait progressivement à mesure que l’on s’éloignait de la frontière du parc.
Conclusions
Des canicules ont déjà eu lieu dans le passé, par exemple en France en août 1930, époque à laquelle le nombre de thermomètres était moins élevé qu’actuellement. Il y avait également moins de routes asphaltées. En conséquence, ce « record » de juin 2019 en est-il vraiment un? Continuons à améliorer l’emplacement des abris Stevenson, à prendre des mesures, et surtout gardons la tête froide.
Il est également très instructif de consulter l’avis du météorologue américain Roy Spencer sur ce record de température en France.
Références
[1] Yan H, Wu F, Dong L. 2018. Influence of a large urban park on the local urban thermal environment. Sci Total Environ 622-623:882-891.
Traduction :
«Le thermomètre devrait être placé à une hauteur de 4,5 à 6 pieds du sol (1.2 à 1.8 m) et dans un endroit gazonné (vous devrez peut-être garder un tabouret à portée de main pour les personnes de petite taille car les lectures sont effectuées à hauteur des yeux pour minimiser les erreurs de parallaxe). Un dégagement plat et ouvert est souhaitable pour que le thermomètre soit ventilé librement par le flux d’air. Restez à au moins 100 pieds (30,5 m) du béton ou des surfaces pavées. Évitez les balcons, les patios, les porches fermés et sous les avant-toits. ”
Bonjour,
J’adore votre travail et il me nourrit beaucoup, moi qui fait tout pour être un Éco-Réaliste-Pragmatique ! Vos références me plongent dans des mondes reliés et parallèles très impressionnants et remplis de connaissances nouvelles pour moi. Vous m’instruisez ! J’espère juste qu’au moins la moitié de ce que vous proposez est juste et exacte !!!
N’en demeure pas moins que je ne peux m’empêcher de vous demander de l’aide sur un sujet qui me préoccupe beaucoup. J’ose donc vous demander votre aide. Voici. Vous connaissez sans doute les cycles solaires ou du système terre-soleil de Milankovitch. Or, malgré mes efforts, je n’arrive pas à déterminer si, selon les cycles qu’il a identifiés, si alors nous allons vers un réchauffement climatique ou un refroidissement climatique. Je crois avoir compris qu’on, la terre, irait vers une certaine glaciation ! Je serai mort d’ici là, mais j’ai bien plus peur d’une glaciation confirmée que d’une belle période d’inter-glaciation ou de chaleur !
Aussi, je me demande si vous n’auriez pas, dans vos ressources scientifiques, quelqu’un capable de nous éclairer à cet égard. Je rêve de partager votre réponse à cet égard. Peu importe la course de notre planète.
Je vous remercie beaucoup et souhaite longue et heureuse vie à votre précieux site.
Denis Gaumond, Montréal.
D’abord bravo pour votre enthousiasme et votre désir d’essayer de comprendre. La climatologie, science jeune, est passionnante, particulièrement complexe, et quoi qu’en disent certains loin d’être aboutie…
Votre question a déjà été posée par un lecteur dans un autre article, nous reproduisons notre réponse ci-dessous et ajoutons un commentaire à la fin :
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Les variations actuelles de température ne permettent pas d’extrapolation à long terme. L’échelle est annuelle ou pluri-annuelle alors que le forçage orbital se déroule au minimum sur 20 000 ans (20ka).
L’analyse des carottes de glace en Antarctique (Vostok et Dôme C, programme EPICA) montre effectivement des cyclicités de type Milankovic avec des périodes de 100 ka, 40 ka et 20 ka, correspondant respectivement à la petite excentricité, l’obliquité et la précession des équinoxes. Ceci souligne l’importance des paramètres orbitaux sur le climat. Neuf cycles climatiques glaciaires/interglaciaires ont été enregistrés au cours des derniers 800 ka. Par comparaison avec certains de ces cycles (ils n’ont pas tous exactement la même durée) on peut en déduire que l’Holocène (= notre interglaciaire) ayant débuté il y a environ 10 ka laissera place à un stade glaciaire d’ici 15 à 20 millénaires (en l’absence de perturbations). Quelle que soit la ‘date’ précise nous allons nécessairement vers un ‘englaciation’ au vu du récent passé géologique amorcé dès la fin du Cénozoïque.
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Enfin d’un point de vue géologique ces cycles (excentricité, obliquité, précession) ont été identifiés depuis longtemps dans l’histoire de la terre, et leurs durées ne sont pas strictement équivalentes aux durées récentes, peut-être parce que le comportement de la Terre est chaotique. Le problème est délicat vu une résolution temporelle moindre à mesure que l’on remonte le temps (géologique). Les géologues et physiciens en particulier s’attèlent à décrypter ces cycles.
Un record effectivement bien relatif de part sa durée de quelques minutes et sa pertinence. Dans la « zone environnante « la station de Gallargues-le-Montueux référencée sur infoclimat.fr n a pas dépassé les 44,1 degrés. Pour couronner le tout la station en question est apparemment posée sur un toit !
Remarques importantes :
• Il semblerait que la Figure 3 n’est pas la station du record mais un emplacement ancien.
Le lieu véritable du record (station 30123001; position : 43°42’53 » Nord, 4°10’18 » Est) aurait les caractéristiques suivantes :
https://donneespubliques.meteofrance.fr/metadonnees_publiques/fiches/fiche_30123001.pdf
Pour la température, la qualité de ce site est de classe 3 et les mesures sont de classe C. Ceci veut dire qu’il existe des sources chaleur ou des étendues d’eau entre 10 et 30m, avec une végétation <25cm. L'incertitude sur la mesure est de 0.4°C.
• A quelques centaines de mètres (43,72°N | 4,17°E ), une autre station météo (amateur) a donné les relevés suivants le 28 juin 2019 :
https://www.infoclimat.fr/observations-meteo/archives/28/juin/2019/gallargues-le-montueux/000OZ.html
La température maximale était ici de 44,2°C.
La Temp Max est de 44.1 pour cette station dite amateur mais tout de même qualifiée par météo France. Le plus troublant est qu au moment de ce Max de 44.1 l’indicateur « biométéo » correspondant est de 45.9 ?? Tout cela mériterait tout de même un audit de la bien opaque météo France.