par Dr. Jean N., professeur d’Université en Faculté des Sciences.
La théorie radiative de l’effet de serre prédit que la température de la basse atmosphère augmente lorsque le taux de CO2 croît. Si l’on prend par exemple une très vaste région, comme la Chine centrale ou le Midwest américain, qui couvrent tous deux des centaines de milliers de km2, on devrait donc observer un accroissement des températures moyennes de la basse atmosphère en fonction du temps. Effectivement, dans ces régions, et comme pour tout l’hémisphère Nord, le taux de CO2 n’a fait qu’augmenter depuis le début des mesures par spectrométrie infra-rouge en 1959. Cependant, une étude récente vient de montrer que la température moyenne n’aurait pas augmenté dans ces vastes régions, et ce malgré l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique. L’étude en question a été publiée dans Energy & Environment en 2018 par deux chercheurs danois de la Danish Technical University, Frank Lansner et Jens Pedersen[1]. Il faut rester prudent, mais si cette étude est confirmée, il s’agirait d’un sérieux problème pour la théorie radiative de l’effet de serre.
1. Calculs réalisés par Lansner et Pedersen
Au lieu de considérer la Terre entière et de calculer une température moyenne globale pour toutes les terres émergées et les océans, les chercheurs se sont seulement focalisés sur 10 vastes régions terrestres, comme par exemple la Sibérie et celles mentionnées ci-dessus. Ces régions terrestres ont ensuite été divisées en deux zones : (1) les zones en bordure des mers et océans, et donc sous leur influence directe (OAA : ocean air affected stations), et (2) les zones localisées loin = éloignées des océans et donc non influencées par les masses océaniques (OAS : ocean air sheltered).
Pour chaque zone étudiée, les données de température issues de plusieurs stations météorologiques ont été compilées pour la période s’étendant de 1900 à 2010. Les données utilisées sont officielles et issues du réseau GHCN (Global Historical Climate Network, V2) fournies par la NOAA américaine (National Oceanic and Atmospheric Administration). Chose importante à noter, les chercheurs ont pris soin d’utiliser les données brutes fournies par ces stations[2]. En effet, Lansner & Pedersen se sont rendu compte que les données issues de nombreuses stations météo étaient manipulées et/ou ajustées pour qu’elles puissent ressembler aux données des stations voisines. Nous n’allons pas discuter ici de la raison de ces ajustements mais il faut savoir que les données des stations météo sont très souvent manipulées avant utilisation. Voyons maintenant les résultats de ces chercheurs danois.
Pour la vaste région de la Sibérie Centrale, 18 stations non influencées par les océans (OAS) ont été considérées ainsi que 17 stations sous l’influence des océans (OAA) (Figure 1). En compilant les données des stations météo, les chercheurs ont montré que pour les régions sibériennes de type OAS la température moyenne des années 2010 (moyenne sur 5 ans) était la même que celle des années 1930 (Figure 2). Ceci est curieux car il y avait beaucoup moins de CO2 dans l’atmosphère en 1930. Par contre, lorsqu’on analyse les stations sous influence océanique (OAA), on détecte bien une légère augmentation de température : la température moyenne de 2010 pour ces régions est par exemple presque de 1°C plus chaude que celle de 1930 (Figure 1).
Figure 1. Anomalie de température pour la Sibérie centrale entre 1900 et 2010. Les courbes du haut concernent les régions OAS : les lignes bleues représentent les températures moyennes annuelles pour chaque station météo, la ligne rouge montre la moyenne de toutes les stations de la zone, et la ligne noire est une moyenne mobile de 5 ans de la moyenne des stations. La période de référence est 1951–1980. Les courbes du milieu concernent les régions OAA : les lignes orange représentent les températures moyennes annuelles pour chaque station météo, la ligne rouge montre la moyenne de toutes les stations de la zone, et la ligne noire est une moyenne mobile de 5 ans de la moyenne des stations. La période de référence est 1951–1980. Les courbes du bas (OAS vs. OAA area) représentent une comparaison des deux séries de données. La ligne bleue est la moyenne annuelle des stations OAS de la zone et la ligne rouge est la moyenne annuelle des stations OAA de la zone. La période de référence est 1995–2010.
Analysons maintenant d’autres régions et prenons le cas des Etats-Unis, avec la très vaste région du Midwest (Figure 2).
Figure 2. Anomalie de température pour le Midwest américain entre 1900 et 2010. Même légende que pour la Figure 1. Un total de 236 stations OAS et 27 stations OAA ont été utilisées.
Les résultats obtenus pour le Midwest américain sont encore plus étonnants. Comme nous pouvons le voir sur la Figure 2, les températures moyennes des régions protégées des océans pour les années 2010 (obtenues avec 236 stations météo) sont inférieures de presque 1°C par rapport aux températures des années 1930–1940. Encore une fois, en dépit de l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique. Les millions d’américains vivant dans ces régions et qui pensent subir un réchauffement, comme sans cesse rapporté par les médias, se trompent complètement car l’étude suggère qu’il fait plus froid actuellement dans ces régions que dans les années 1930! Quant aux régions américaines sous influence océanique, leur température moyenne pour les années 1930–1940 est légèrement inférieure à celle des années 2010.
D’autres grandes régions ont ensuite été analysées : les Balkans, la Chine centrale, le Pakistan, le Sahel, etc., et à chaque fois c’est le même constat : ce n’est que dans les régions sous influence océanique qu’un réchauffement est constaté lorsque l’on analyse la période entre 1900 et 2010. Par contre, aucun réchauffement n’est constaté dans les régions terrestres éloignées des océans, et des diminutions de température sont même observées comme dans le cas des Etats-Unis.
N’est-il pas curieux que l’effet de serre ne se manifeste pas partout de la même manière sur la planète? Le Midwest américain représente la moitié de la surface des Etats-Unis (Figure 2) et son atmosphère s’est enrichie en CO2 comme pour toutes les autres régions. Une augmentation de température de l’atmosphère du Midwest aurait donc dû se produire… Pourquoi n’est-ce pas le cas? Comment expliquer ces observations?
2. Explications probables
Si nous partons du principe qu’il n’y a pas de biais dans la méthodologie, il se pourrait que la circulation des masses océaniques, appelée circulation thermohaline, joue un rôle prépondérant dans le réchauffement global de la basse atmosphère et que le CO2 atmosphérique n’ait ici qu’un rôle mineur. Ceci s’ajoute donc aux autres incohérences de la théorie (voir par exemple ici, ici, ici, ici, et ici). En se réchauffant lentement depuis 1900, par des mécanismes encore peu connus, les océans auraient simplement réchauffé l’atmosphère des régions côtières. Les régions terrestres éloignées des océans n’ont quant à elles pas été réchauffées. L’atmosphère de ces régions éloignées, bien qu’elle se soit progressivement enrichie en CO2, ne s’est pas réchauffée. Pourtant, le sol de ces régions émet des infra-rouges vers l’espace. Pourquoi donc la « backradiation » n’a-t-elle pas réchauffé la basse atmosphère de ces régions? L’explication est alors ici très simple : la théorie radiative de l’effet de serre ne fonctionne pas, ou provoque un réchauffement tellement minime qu’il passe inaperçu. Dans ce cas, comme la théorie ne fonctionne pas, il faut évidemment l’invalider, comme le veut la méthode scientifique.
Il faut cependant rester prudent et les données de Lansner et Pedersen devraient être confirmées par d’autres études. En effet, le nombre de stations météorologiques considérées dans chaque zone joue certainement un rôle. De plus, les auteurs ne nous disent pas comment ils ont sélectionné les stations OAS dans chaque zone. Cependant, en combinant les 10 zones OAS et les 10 zones OAA pour la Terre entière, les chercheurs obtiennent les mêmes résultats!
3. Conclusions
- Si les résultats obtenus par Lansner et Pedersen sont confirmés, la théorie radiative de l’effet de serre devra être invalidée car elle ne fonctionne pas pour la plupart des zones centrales des continents, protégées de l’influence des masses océaniques. La théorie ne fonctionne que pour les zones terrestres en bordure des océans. Mais ici, le « radiateur » n’est probablement pas le CO2 atmosphérique mais simplement l’air chaud en provenance des océans.
- La circulation thermohaline jouerait alors un rôle plus important que prévu dans le réchauffement global, mais cette circulation n’est pas encore bien comprise. Par exemple, pour l’Atlantique nous avons l’oscillation multidécennale (en anglais, Atlantic Multidecadal Oscillation ou AMO). Il s’agit d’une variation cyclique de la température de surface de la mer qui s’étend sur plusieurs décennies, de 40 à 80 ans. Pour le Pacifique nous avons l’oscillation décennale du Pacifique (en anglais Pacific Decadal Oscillation (PDO)).
4. Références
[1] Frank Lansner & Jens Olaf Pepke Pedersen (2018) Temperature trends with reduced impact of ocean air temperature. Energy & Environment, 2018, Vol. 29(4) 613–632.
[2] NOAA GHCN Gridded V2 raw data provided by the NOAA/OAR/ESRL PSD, Boulder, CO, Data accessed Jun 2013.http://www.esrl.noaa.gov/psd/
J’ai beaucoup apprécié votre intervention remettant en question le réchauffement généralisé du climat planétaire auquel les lobbyistes néo-climatologues sans formation en météorologie attribuent toutes les catastrophes associées aux pressions multiples sur les territoires bouleversés par la croissance effrénée de la population mondiale et de ses besoins fondamentaux d’espaces urbanisés.
Il aurait été également intéressant de mener cette étude sur l’Australie qui a comme particularités d’être complètement entourée par les Océans tout en comprenant des terres OAS (comme l’Outback désertique) et OAA vu que c’est une île.
Bonjour, les auteurs ont considéré l’Australie dans leur étude (le sud-est), mais je n’en ai pas parlé… Ils remarquent la même tendance : pour les régions protégées de l’air océanique, aucun réchauffement observé. La température moyenne des années 2010 de ces régions est même inférieure de 0.5°C par rapport aux années 1910-1920!
Facile de vérifier :
https://www.carbonbrief.org/mapped-how-every-part-of-the-world-has-warmed-and-could-continue-to-warm?fbclid=IwAR1stVXuSrucUr8NnkHPdNNqdEp5pbedWPvN-R2R4n92nr9xGWJ3F_Y056A
Bonjour,
Je devine votre étonnement car les résultats de Lansner et Pedersen ne vont pas de le sens du site CarbonBrief. En consultant ce site on a en effet l’impression que toutes les régions du monde se sont réchauffées. Mais il faut faire très attention :
1. Lansner et Pedersen se sont basés uniquement sur la série Global Historical Climate Network, V2. Le site CarbonBrief utilise une combinaison de plusieurs enregistrements. Les résultats obtenus sont donc forcément différents.
2. Lansner et Pedersen ont employé les données brutes, non filtrées. Les températures fournies par CarbonBrief sont des combinaisons de plusieurs séries différentes, manipulées et ajustées. Lorsqu’une station météo donne une température jugée trop basse par rapport à la température moyenne des stations voisines, vous pouvez parier que sa température moyenne est revue à la hausse. Le procédé est donné ici : http://berkeleyearth.org/about-data-set/. Lansner et Pedersen insistent que cette façon de procéder pourrait poser problème.
3. Il n’y a pas assez de stations météo sur la planète. Comment fait alors CarbonBrief? Réponse : pour pallier au manque de stations, la température de certaines zones est estimée en utilisant les stations les plus proches, localisées parfois à des milliers de kilomètres… Et non, il n’y a pas beaucoup de stations en plein centre de l’Amazonie, du Sahara, de l’Océan Atlantique, de L’Antarctique, etc…
4. Lansner et Pedersen se sont arrêtés en 2010. Ils ne tiennent donc pas compte du dernier El Nino qui a fortement augmenté la température moyenne globale. CarbonBrief s’arrête en 2017, juste au pic du maximum de température du El Nino! Depuis, la température moyenne globale est en chute libre.
5. Finalement, si vous regardez les zones du Midwest américain sur CarbonBrief, vous n’êtes pas loin de ce que Lansner et Pedersen ont trouvé : par exemple, pour « Fort Smith, Arkansas », vous trouvez +0.45°C d’anomalie pour 2011 et +0.48°C en 1955. Il faisait donc plus chaud en 1955 à Fort Smith qu’en 2011! Et la, ce sont les données CarbonBrief qui le disent!
6. Vous devez aussi faire attention à la manipulation par les couleurs : la carte CarbonBrief est dans les tons rouge-jaune, les mêmes couleurs que le feu. Rien qu’à voir la carte on attrape chaud!
7. Finalement, notez bien que sur SCE nous ne nions pas le réchauffement global constaté par toutes les séries thermométriques, satellites compris. Voyez la partie FAQ du site.
Bravo.
Vos analyses sont toujours très claires et permettent à des non spécialistes de comprendre l’intérêt d’un débat scientifique sur des données factuelles à rebours du lavage de cerveau climato-catastrophiste.
Bien évidemment, aucun journaliste ne prendra la peine de prendre quelques minutes pour tenter une analyse critique à partir des informations disponibles sur ce site…
Mouais … Je ne suis pas très convaincu par les conclusions et la distinction entre les zones cotières et intérieures en regardant les courbes : si on prend pour acquis ce qui est marqué dans l’article, la courbe rouge (OAA) devrait être au-dessus de la courbe bleu (OAS). Or quand on regarde les courbes en bas de chaque figure on voit plutôt l’inverse : 99 % du temps la courbe rouge est en dessous de la courbe bleu, et elles semblent plutôt bouger dans le même sens … Je n’observe pas vraiment de différences significatives.
Je pense que l’important dans cette étude n’est pas de voir « quelle courbe est en dessous de l’autre », mais de voir s’il y a un réchauffement ou non dans les données OAS. Et quand on regarde les données OAS pour la Sibérie et les USA, il n’y a aucun réchauffement significatif et la température en 2010 était égale voire inférieure à celle des années 30, ce qui jette un doute très sérieux sur l’hypothèse du RCA. Qu’on contredise mes propos si je me trompe…
Par ailleurs, puisque ce sont les données brutes qui on été utilisées pour cette étude, j’imagine donc que ces données sont non seulement biaisées par l’effet d’îlot de chaleur urbain, mais surtout qu’aucune manipulation n’a été opérée sur ces données pour masquer cet effet d’îlot de chaleur urbain… Autrement dit, puisque l’effet d’îlot de chaleur urbain est bien plus important dans les années 2010 que dans les années 30, la température des données OAS en 2010 devrait donc être en réalité plus basse que celle marquée sur les graphiques, je me trompe ?
En effet, aucune manipulation n’a été opérée sur les données pour masquer un éventuel effet d’îlot de chaleur urbain. Mais attention : la température des régions OAS en 2010 ne devrait pas être plus basse que celle indiquée sur les graphiques. Elle ne serait plus basse que si les villes à proximité étaient restées les mêmes qu’en 1900. Or, ce n’est pas le cas : elles sont toutes un peu plus grandes et dégagent donc toutes un peu plus de chaleur. Peut-être que si ces villes ne s’étaient pas étendues nous aurions observé une légère baisse des températures dans les graphiques… Pour plus d’infos sur l’effet de chaleur urbain, voyez aussi notre article de mars 2021, qui relate les mesures de l’équipe de Willie Soon.