par Jean-Pierre Schaeken Willemaers
Institut Thomas More, Président, Pôle Energie, Climat, Environnement
Depuis des décennies l’hydrogène revient régulièrement à l’ordre du jour comme moyen de stocker l’énergie pour ensuite la convertir en électricité. Cette filière est particulièrement prisée dans le cadre d’une politique bas carbone vu qu’elle n’émet pas de gaz à effet de serre (GES ) la combustion de l’hydrogène ne produisant que de l’eau. Bien entendu la production de ce gaz doit elle-même « être propre ».
La première question qui se pose est sa disponibilité. Existe-t-il de l’hydrogène naturel (océanique ou continental) ? Selon le professeur Préat, son histoire « depuis ses modes de production géologiques jusqu’à une utilisation intégrée dans le mix énergétique à venir est encore à écrire. La géologie cède le pas à la technologie qui se devra d’être inventive dans un cadre économique raisonnable et contraint. Aujourd’hui l’intérêt énergétique de l’hydrogène naturel n’est pas démontré. »
Dès lors l’hydrogène doit être fabriqué. Il existe de nombreuses façons d’en produire. Toutefois, le stockage de l’hydrogène en vue de la génération d’électricité dans un système bas carbone et respectueux de l’environnement, n’a de sens que si l’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau à partir d’énergie peu émettrice de GES. Si on renonce au nucléaire, la seule alternative est l’électricité renouvelable qui, dans l’état actuel des choses, est essentiellement intermittente (éolienne ou photovoltaïque). Pour être compétitif, le coût de l’hydrogène ainsi produit ne peut dépasser celui de la production par vapo-reformage (technologie de loin la plus utilisée), soit environ 2€/kg H2 (prix sortie usine, sans captage de CO2)
Ce coût dépend :
• du prix de l’électricité ;
• du prix de l’électrolyseur ;
• du nombre d’heures de fonctionnement (plus il est élevé, plus bas sera le prix de l’hydrogène), du rendement (affecté, entre autres, par la variabilité de la fourniture d’électricité [1]) et de la durée de fonctionnement de celui-ci.
Le diagramme ci-dessous donne, pour une durée de vie de l’électrolyseur de 20 ans, le coût de l’hydrogène en fonction du nombre d’heures de fonctionnement.
Source : France Stratégie, août 2014
On constate que le coût de l’hydrogène :
• augmente considérablement en-dessous de 2000-2500 h/an ;
• reste nettement supérieur à celui du vapo-reformage, même avec un électrolyseur bon marché (1000€/kW).
Dans des conditions favorables [2] :
coût de l’électrolyseur très bas : 700 €/kW ;
prix de l’électricité : 50 €/MWh ;
rendement très élevé de l’électrolyse : 80% ;
nombre d’heures de fonctionnement : 3 500 h/an ;
Le coût de l’hydrogène est encore de l’ordre de 4 €/kg, soit environ le double de celui obtenu par vapo-reformage.
Le rendement de l’électrolyse alcaline est d’environ 60%.
La densité énergétique volumique de l’hydrogène gazeux est très faible. Ainsi, à titre d’exemple :
• 1 litre d’essence (poids spécifique : 0,7 kg/l) a un pouvoir calorifique de 8,7 kWh/l ;
• 1 litre d’hydrogène (poids spécifique 0,09kg/Nm3) a un pouvoir calorifique inférieur de 3 kWh/Nm3, soit 0,003 kWh/l (à 0°C et 1 atm ≈ 1 bar).
Il faut donc le comprimer (par exemple à 700 bars) pour diminuer le volume de stockage. Il en résulte une consommation supplémentaire d’énergie de l’ordre de 15%.
Une autre solution consiste à le stocker à l’état solide en profitant de la propriété qu’ont certains composés d’absorber l’hydrogène de manière réversible lorsqu’ils sont exposés à une pression d’hydrogène. Les hydrures métalliques ainsi formés possèdent une densité volumique de stockage supérieure à celle de l’hydrogène liquide. L’absorption de l’hydrogène est réalisée à une pression modérée (de l’ordre de la dizaine de bars). De plus la réaction de désorption étant endothermique, elle est auto-limitante. Les hydrures apportent donc plus de sécurité et un encombrement moindre.
Le tout n’est pas de produire de l’hydrogène bon marché (ce qui, comme on vient de le constater, n’est pas encore le cas tant s’en faut) à partir d’électricité renouvelable (dans le cadre d’une politique bas carbone), encore faut-il générer de l’électricité à prix compétitif (et en grande quantité pour une intégration efficace dans le système électrique) en utilisant cet hydrogène. La pile à combustible le permet-elle ?
Une pile à combustible est un générateur d’électricité qui transforme, de façon continue, l’énergie d’une réaction chimique (en l’occurrence, entre l’hydrogène et l’oxygène) en un courant électrique. L’hydrogène est introduit à l’anode (pôle négatif) de la pile et l’oxygène à la cathode. La molécule d’hydrogène H2 se décompose à l’anode en deux protons (H+) et deux électrons (e-) grâce à un catalyseur, le platine.
Les électrons chargés négativement se déplacent vers la l’électrode positive (la cathode) par le circuit extérieur à la pile (courant continu). A l’intérieur de la pile, les protons diffusent dans l’électrolyte jusqu’à la cathode. Ils s’y combinent avec l’oxygène pour former de l’eau.
Le coût de la pile est très élevé en raison, notamment, du prix du catalyseur platine (40 €/g). Il importe donc d’en réduire la quantité.
Le GREMI (Groupe de Recherches sur l’Energétique des Milieux Ionisés) a, depuis quelques années, mis au point une technique de pulvérisation de plasma sur une couche poreuse de carbone conducteur, permettant de réaliser des électrodes avec de très faibles charges de catalyseur. Ces travaux ont conduit à améliorer les performances des piles à combustible grâce à des électrodes dont la couche active catalytique est composée d’agrégats de platine sur des particules de carbone. Ceci est largement dû au fait que la pulvérisation du plasma permet de contrôler des profils de concentration de catalyseur dans les électrodes, pertinents pour un fonctionnement optimal tout en réduisant la quantité de catalyseur très coûteux [3]. Le contrôle du vieillissement des électrodes est l’objet des travaux futurs.
Le rendement d’une pile à combustible à hydrogène est compris entre 50 et 60%. Le rendement global de la génération d’électricité à partir d’hydrogène, y compris la production de ce dernier est très faible : une vingtaine de pourcents.
Que conclure ..?
En fait, la filière hydrogène pour la production d’électricité en est toujours au stade de l’expérimentation. Le projet MYRTE [4] portant sur une telle génération d’électricité est peu probant.
Le retour d’expérience de piles à combustible consommant de l’hydrogène porte actuellement sur des entités de maximum quelques MW ce qui ne permet pas de contribuer à l’équilibre des réseaux. Le prix de l’électricité produite par cette filière est très élevé, même en cas de cogénération. Cette technologie pourrait-elle être, un jour, compétitive pour une génération massive d’électricité ?
Aujourd’hui la réponse est loin d’être connue…
Références
[1] C’est le cas de l’électrolyse alcaline. L’électrolyse PEM (Proton Exchange Membrane) est plus apte à suivre les variations de charge grâce à un électrolyseur plus compact.
[2] Afhypac, Mémento de l’hydrogène, production de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, fiche 3.2.1.
[3] Physique, Plasma, Matériaux et Energie, « la pile à combustible », Pascal Brault et al., 21 août 2014 (Hal, archives ouvertes).
[4] Ce démonstrateur, situé à Ajaccio, réunit la CEA, Hielion et l’université de Corse, et repose sur une production solaire d’électricité avec une chaîne hydrogène pour le stockage.
Je crois que l’Allemagne nous devance dans ce projet avec le PICEA